À propos de l’auteur

Werner Barnard, MBChB (Pretoria), LMCC, MCFP
Le Dr Barnard est médecin de famille, et s’intéresse particulièrement à l’allergie. Il a obtenu son diplôme de médecine MBChB à l’Université de Pretoria, en Afrique du Sud, en 1989 et a déménagé au Canada en 1998 où il a travaillé dans une communauté rurale en tant que médecin de famille jusqu’en 2004. Il a ensuite ouvert un cabinet spécialisé en allergologie à Regina en 2005. Il est membre de l’EAACI (Académie européenne de l’allergologie et de l’immunologie clinique). Le Dr Barnard est également professeur adjoint en clinique à l’Université de la Saskatchewan et siège à divers conseils consultatifs à titre de consultant.
Les antihistaminiques dans le traitement de l’USC : Points de pratique
L’urticaire est une affection médiée par les mastocytes, caractérisée par des papules prurigineuses en relief et passagères sur fond érythémateux, et chaque lésion individuelle disparaît en 24-48 heures sans laisser d’ecchymose ni de cicatrice. L’angio-œdème est une enflure sous-cutanée localisée pouvant parfois accompagner l’urticaire. L’urticaire peut être aiguë ou chronique, selon sa durée. L’urticaire chronique est à son tour subdivisée en urticaire inductible ou en urticaire spontanée chronique (USC). Le présent article porte sur l’urticaire spontanée chronique (USC), qui est caractérisée par des papules d’œdème et/ou d’une enflure apparaissant spontanément la plupart des jours de la semaine pendant six semaines ou plus (figure 1). La prévalence de l’urticaire chronique a été estimée être entre 0,5 et 5 %. L’urticaire chronique est plus fréquente à l’âge adulte, sa fréquence culmine entre l’âge de 20 et 40 ans, et elle affecte plus souvent les femmes que les hommes. Dans les cas d’USC, il est généralement impossible d’identifier un déclencheur externe1.

Figure 1. Aperçu de la classification de l’urticaire. * Le seuil de 48 heures se rapporte aux lésions individuelles, alors que celui de 6 semaines se rapporte à la maladie dans son ensemble; d’après l’article de Kanani et al., 2018.
D’après les recommandations des lignes directrices consensuelles actuelles mondiales sur l’urticaire, le traitement de première intention de l’USC doit consister en l’utilisation quotidienne régulière d’un antihistaminique non sédatif de deuxième génération à longue durée d’action à raison de sa dose habituelle. Si aucune réponse n’est obtenue ou si la réponse est insuffisante en l’espace de 2 à 4 semaines ou avant, le traitement de deuxième intention conseillé doit être prescrit à raison de 2, 3 ou 4 fois la dose habituelle, généralement fractionnée en deux doses quotidiennes (figure 2). La rémission spontanée de l’USC se produit chez un maximum de 50 % des patients en l’espace de 6 mois ou moins, mais sa durée moyenne est de 3 à 5 ans.

Figure 2. Algorithme du traitement recommandé de l’urticaire; d’après l’article de Zuberbeir et al., 2018.
Bien qu’il n’existe actuellement aucun médicament modifiant le cours de la maladie contre l’USC, l’objectif du traitement est de maîtriser ou de supprimer les symptômes affectant la qualité de vie des patients jusqu’à la rémission. En raison de la nature chronique de la maladie et de la nécessité de poursuivre le traitement durant des mois ou des années, il est important que les traitements utilisés soient bien tolérés et n’entraînent pas de morbidité significative à long terme.
Antihistaminiques H1 de deuxième génération (non sédatifs)
Les antihistaminiques de deuxième génération offerts au Canada comprennent : cétirizine, loratadine, desloratadine, fexofénadine, bilastine et rupatadine. Bien que les études comparatives indiquent que tous les antihistaminiques de deuxième génération n’auraient pas la même efficacité contre l’USC, les données probantes disponibles à l’heure actuelle ne permettent pas d’émettre de fortes recommandations pour ou contre l’un de ces antihistaminiques.
Tous les traitements mentionnés sont d’une efficacité avérée contre l’USC d’après les principales études d’homologation menées chez près de 4 000 patients, lesquelles ont toutes montré l’innocuité et l’efficacité de ces agents et l’absence d’effets indésirables significatifs. Les taux rapportés de somnolence et de sédation sont constamment comparables à ceux des patients sous placebo; par ailleurs, des améliorations significatives ont été rapportées quant à la qualité de vie liée à la santé, au rendement au travail et aux activités de la vie quotidienne. Des effets indésirables mineurs ont été notés chez une minorité de patients : céphalées, somnolence, constipation et douleur abdominale2-25.
Les antihistaminiques H1 de deuxième génération sont généralement bien tolérés par la plupart des patients, même à des doses élevées. Une analyse rétrospective récente a permis d’examiner les données d’un centre dans lequel les doses d’antihistaminiques étaient augmentées à plus de quatre fois la dose habituelle. L’objectif de cette étude était d’évaluer la fréquence de l’inefficacité du traitement par des antihistaminiques à raison d’une dose jusqu’à quatre fois la dose habituelle auprès de patients atteints d’USC, et de déterminer l’efficacité et l’innocuité du traitement antihistaminique à une dose quatre fois supérieure à la dose habituelle. D’après le rapport des chercheurs, sur les 200 patients sélectionnés, 178 ont été inclus dans l’analyse définitive, et le traitement initial consistait en une dose uniquotidienne d’antihistaminiques. Si les symptômes persistaient, la dose pouvait être augmentée jusqu’à quatre fois chez 138 (78 %) des patients, dont 41 (23 %) ont obtenu une réponse suffisante. L’augmentation de la dose d’antihistaminiques a été nécessaire chez 110 (80 %) patients ayant présenté des papules œdémateuses seulement ou des papules accompagnées d’un angio-œdème, et chez 28 (64 %) patients ayant présenté des EI seulement (p = 0,039); des effets secondaires ont été rapportés après l’augmentation de plus de quatre fois de la dose chez 10 % des patients (6/59)26. Cependant, comme il s’agit d’une seule étude, il n’est pas encore possible de recommander l’augmentation de plus de quatre fois de la dose actuelle.
Traitement de l’USC chez les enfants
Les données obtenues jusqu’ici laissent entrevoir que la prévalence et les causes de l’USC sont similaires dans les populations d’enfants et d’adultes35,36, et que les antihistaminiques de deuxième génération à longue durée d’action restent la pierre angulaire du traitement. Les antihistaminiques de première génération doivent être évités à cause de la fréquence accrue de leurs effets indésirables.
Traitement de l’USC pendant la grossesse et l’allaitement.
Les agents thérapeutiques utilisés pour maîtriser les symptômes, en particulier le prurit, doivent être utilisés avec modération pendant la grossesse. Les antihistaminiques H1 de deuxième génération peuvent être utilisés chez la majorité des patientes enceintes ou qui allaitent. On ne dispose d’aucune donnée sur le bien-fondé d’augmenter les doses d’antihistaminiques actuellement recommandées pendant la grossesse, et il est conseillé de discuter attentivement des bienfaits et des risques des options thérapeutiques disponibles.
Références
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