À propos des auteures

Ameen Biadsee, MD
Le Dr Ameen Biadsee suit actuellement un stage postdoctoral en rhinologie et en chirurgie de l’étage antérieur de la base du crâne. Il a accompli son programme de résidence en otorhinolaryngologie – chirurgie cervico-faciale au Centre médical Meir (associé à la Faculté de médecine Sackler de l’Université de Tel-Aviv) en 2021, après avoir obtenu son diplôme de docteur en médecine à l’École médicale Albert Szent-Györgyi de l’Université de Szeged en Hongrie.

Leigh Sowerby MD, MHM, FRCSC
Le Dr Sowerby a étudié la médecine à l’Université de Calgary et accompli son programme de résidence en otorhinolaryngologie – chirurgie cervico-faciale à l’Université Western en 2011. Il a ensuite effectué un stage postdoctoral en rhinologie et en chirurgie de l’étage antérieur de la base du crâne à l’Université de l’Alberta avec le Dr Erin Wright. Après être entré à la faculté de l’Université Western, il a obtenu une maîtrise en gestion sanitaire à l’Université McMaster. Ses domaines d’intérêt et d’expertise sont notamment la gestion sanitaire, la COVID-19, la rhinosinusite chronique et les applications étendues de la chirurgie endoscopique transnasale. Le Dr Sowerby a bénéficié d’un financement inter-conseils pour ses travaux de recherche et rédigé plus de 90 publications à comité de lecture. Il a participé à cinq essais cliniques de phase III relatifs à la thérapie biologique appliquée à la rhinosinusite chronique.
Une nouvelle ère : recherche sur le rôle du traitement par anticorps monoclonaux destiné à traiter la rhino-sinusite chronique avec polypose nasale
Introduction
Dans sa forme la plus simple, la rhino-sinusite chronique (RSC) est une inflammation des sinus paranasaux présente depuis plus de trois mois. Le diagnostic clinique se caractérise par une obstruction/une congestion/un écoulement nasal(e), des douleurs faciales et une baisse/absence d’odorat associés à des signes d’inflammation de la muqueuse naso-sinusienne détectés par endoscopie ou tomodensitométrie. Les troubles de l’odorat et une perte olfactive constituent une caractéristique cardinale chez les patients présentant des polypes nasaux1.
D’après de récentes études épidémiologiques, la RSC touche 5 à 12 % de la population, le pic de prévalence de 16 % se situant dans la tranche d’âge des 50 à 59 ans2,3. Si les symptômes sont souvent sous-estimés par les patients eux-mêmes, les répercussions sur la qualité de vie n’ont rien à envier à celles constatées en cas d’insuffisance cardiaque congestive, de BPCO modérée ou de maladie de Parkinson4. Les séquelles non nasales les plus courantes sont la fatigue et la dépression, avec environ la moitié des patients ayant fait l’objet d’une enquête parlant de fatigue et un quart rapportant une dépression6. L’impact sociétal n’est pas négligeable non plus puisque les taux d’absentéisme sont estimés à 24,6 jours par an et qu’on estime les coûts pour la productivité globale à 10 077 $ par patient6.
Les phénotypes des patients atteints de RSC sont généralement différenciés en fonction de la présence ou de l’absence de polypes nasaux, à savoir RSCaPN et RSCsPN, respectivement. Ce phénotypage se reflète également dans les choix thérapeutiques inhérents à la prise en charge de la maladie, la RSCaPN étant généralement traitée par corticostéroïdes topiques ou administrés par voie orale, et la RSCsPN à l’aide de corticostéroïdes administrés par voie nasale et d’antibiotiques. Cependant, alors que notre compréhension de la physiopathologie sous-jacente évolue, la stratégie thérapeutique bascule vers une approche plus ciblée. De multiples facteurs différents sont impliqués dans le développement de la RSC, notamment : les superantigènes, les troubles du microbiome, la formation de biofilm, les altérations de la barrière épithéliale, les allergies, la carence en vitamine D et les prédispositions génétiques.
De nos jours, la plupart des études se concentrent sur une inflammation induite par l’endotype de la muqueuse sinusale. Ces dernières années, l’inflammation de type 2 a été la plus étudiée. Elle se caractérise par la présence des interleukines -4, -5, -9, -13 et d’éosinophiles dans le sang périphérique ou dans les biopsies réalisées sur les muqueuses nasales7. D’autres voies d’inflammation, telles que Th-17/Th-22, Th1, et les inflammations liées aux neutrophiles, ont également été impliquées et semblent être plus fréquentes chez les patients atteints de RSCsPN. D’autres troubles inflammatoires de type 2, tels que la rhinite allergique, la dermatite atopique et l’asthme, sont hautement prévalents chez les patients atteints de RSC, avec jusqu’à 66 % des patients atteints de RSC associée à une comorbidité de type asthme allergique8. On a montré que la gravité des symptômes cliniques et des constatations radiographiques liés à la RSC est bien en corrélation avec la gravité de l’asthme9,10. La forme de RSC la plus récalcitrante et la plus grave est peut-être la maladie respiratoire exacerbée par les AINS (NERD – de l’anglais « NSAID-exacerbated respiratory disease »), un syndrome clinique associant RSCaPN, asthme et allergie à l’aspirine ou à d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) non médiée par les IgE, et qui est aussi associé à une inflammation de type 211.
Prise en charge de la RSC
Pour les médecins comme pour les patients, il est important de bien comprendre que la RSCaPN est une maladie chronique. La prise en charge vise essentiellement à obtenir et à préserver le contrôle symptomatique clinique de la maladie à l’aide d’un traitement médicamenteux adéquat associé à un minimum d’effets secondaires et impliquant une intervention chirurgicale uniquement si nécessaire. Le traitement médicamenteux repose essentiellement sur l’irrigation à l’aide d’une solution saline et sur une corticothérapie intranasale administrée généralement 2 f.p.j. – mais cela peut varier en fonction de l’aérosol utilisé – les deux étant étayés par de hauts niveaux de preuves5. Il semble que l’administration d’un gros volume de corticostéroïdes par voie nasale, grâce à l’ajout de corticostéroïdes dans l’irrigation par solution saline, offre des avantages supplémentaires sans induire d’autres risques. Le traitement systémique par corticostéroïdes peut apporter un soulagement immédiat temporaire de nombreux symptômes de la RSC, mais son utilisation régulière est associée à des effets secondaires et à des risques non négligeables, et une augmentation du traitement doit être envisagée si cela s’avère nécessaire plus d’une ou deux fois par an12.
En général, la chirurgie endoscopique des sinus (CES) est indiquée chez les patients atteints de RSCaPN qui n’arrivent pas à obtenir un contrôle symptomatique à l’aide du traitement pharmacologique (Figure 1). Il faut souligner, car c’est important, que cette intervention n’est pas curative; elle sert plutôt à retirer des polypes inflammatoires, à améliorer le drainage des sinus et, surtout, à permettre l’administration en toute efficacité de corticostéroïdes topiques au niveau de la muqueuse naso-sinusienne enflammée.
La majorité des patients atteints de RSCaPN tirent avantage de la chirurgie, dont la réussite dépend largement de la gravité sous-jacente de la maladie et de l’étendue de l’intervention. La plupart des patients qui se prêtent à une intervention chirurgicale peuvent obtenir un bon contrôle (de la plupart) des symptômes avec un traitement médicamenteux postopératoire. Une analyse rétrospective, portant sur 29 934 patients atteints de RSCaPN, a montré que 15,9 % d’entre eux avaient dû subir une reprise chirurgicale lors d’un suivi d’une durée moyenne de 9,7 ans13. On a montré que le fait de pratiquer une chirurgie endoscopique fonctionnelle « complète/intégrale » des sinus plutôt qu’une « intervention ciblée » aboutit à une amélioration accrue des scores Qualité de vie (SNOT-22), Odorat et Endoscopie14. L’intervention ciblée n’est pas associée à des risques différents de ceux de la chirurgie endoscopique fonctionnelle complète des sinus. Les risques de lésions de la base du crâne ou des orbites sont en grande partie les mêmes lorsque le chirurgien est expérimenté, surtout s’il utilise la navigation.
Les patients atteints de RSCaPN et souffrant de comorbidités telles que l’asthme et la NERD sont porteurs d’un phénotype de RSCaPN plus grave, et ont souvent besoin de multiples traitements et de reprises chirurgicales pour contrôler les symptômes15,16. C’est au sein de cette population de patients que le traitement ciblé à base d’anticorps monoclonaux semble être le plus utile.
Agents biologiques
OMALIZUMAB
(anticorps anti-IgE) :
L’intérêt pour les anticorps monoclonaux dans le cadre de la RSCaPN est apparu lorsqu’on a constaté une atténuation des symptômes de la RSC associée à l’administration d’omalizumab pour traiter l’asthme. En décembre 2020, la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a homologué l’administration d’omalizumab chez des patients atteints de RSCaPN. Santé Canada a suivi avec une homologation à l’été 2021.
Deux essais de phase III multicentriques, à répartition aléatoire – POLYP 1 et POLYP 2 – ont évalué l’efficacité et l’innocuité d’emploi de l’omalizumab en cas de RSCaPN, dans 82 centres situés aux États-Unis et en Europe17. Des patients, atteints de RSCaPN et présentant une réponse inadéquate aux corticostéroïdes par voie nasale, ont été répartis aléatoirement pour recevoir soit de l’omalizumab SC dosé en fonction du poids et des IgE (75 à 600 mg toutes les 2 à 4 semaines) soit un placebo associé à un aérosol nasal à base de mométasone pendant 24 semaines. À 24 semaines, les modifications moyennes enregistrées depuis le départ entre l’omalizumab et le placebo, pour POLYP 1 et POLYP 2, étaient les suivantes : score Polype nasal (score maximal = 8) -1,08 contre 0,06 et -0,90 contre -0,31; score Congestion nasale (score maximal = 3), -0,89 contre -0,35 et -0,70 contre -0,20; et score SNOT-22 (symptômes rapportés par les patients, score maximal = 110), -24,7 contre -8,6 et –21,6 contre -6,6. Pour la plupart des critères d’évaluation, on a constaté une amélioration clinique dès quatre semaines, et dès huit semaines pour l’olfaction. À la fin de l’essai, on a constaté une amélioration de la mesure objective de l’olfaction par rapport au placebo et au départ (3,8 et 3,4 points, score maximal = 40). Lors d’études de moindre envergure, l’omalizumab a également permis une amélioration de scores de résultats rapportés par les patients18,19.
DUPILUMAB
(anticorps anti-IL-4/IL-13) :
Le dupilumab est un anticorps monoclonal qui cible la sous-unité ∝ du récepteur IL-4; cela entraîne une interruption de la liaison IL-4 et IL-13. L’IL-4 favorise la différenciation Th2, l’activation des lymphocytes B, induit la substitution de classe des IgE des lymphocytes B, les échanges d’éosinophiles, et la polarisation des macrophages M2. Le fonctionnement et la différenciation des macrophages sont contrôlés par de multiples facteurs. Les macrophages M1 (macrophages activés de façon classique) sont induits par ‘l’interféron gamma, et les macrophages M2 (macrophages activés alternativement) sont induits soit par l’IL-4, l’IL-13, l’IL-10 soit par des glucocorticoïdes. L’IL-4 et l’IL-13 génèrent leurs effets sur la cascade inflammatoire par le biais de la voie du récepteur; ainsi, le blocage du récepteur de l’IL-4 a des effets sur les deux cytokines. En août 2020, Santé Canada a homologué le dupilumab en tant que traitement d’appoint pour soigner la RSCaPN chez l’adulte. Une petite étude, menée sur 60 patients, a permis de démontrer une amélioration, par rapport au placebo, du score Polype, des scores SNOT-22 et des résultats radiologiques chez les patients traités par dupilumab pendant 16 semaines18. Cela a entraîné la mise en place de deux essais plus importants de phase III multicentriques, à répartition aléatoire, contrôlés par placebo (LIBERTY NP SINUS-24 et LIBERTY NP SINUS-52)19.
Dans le cadre de SINUS-24, 276 patients atteints de RSCaPN ont été répartis aléatoirement pour recevoir du dupilumab à 300 mg SC ou le placebo avec aérosol à base de mométasone toutes les 2 semaines pendant 24 semaines, puis pendant 24 semaines supplémentaires. À la fin de la période de traitement, on a constaté une baisse significative du score Polype (-1,89 contre 0,17, avec un score maximal = 8) et du score Congestion nasale (-1,34 contre -0,45, avec un score maximal = 3). Cependant, après l’arrêt des injections de dupilumab au bout de 24 semaines, on a constaté une aggravation des scores Polype et Congestion nasale avec une tendance à la régression vers les chiffres de départ.
Dans le cadre de SINUS-52, 448 patients ont été répartis aléatoirement en 3 bras au sein desquels tous ont reçu simultanément l’aérosol de mométasone. Au sein du premier bras, le dupilumab était administré toutes les 2 semaines pendant 52 semaines; au sein du deuxième, le dupilumab était administré toutes les 2 semaines pendant 24 semaines, puis toutes les 4 semaines jusqu’à 52 semaines; et le troisième bras était sous placebo. Une analyse groupée des groupes thérapeutiques a démontré une amélioration du score Polype nasal (-1,71 contre 0,10, avec un score maximal = 8) et du score Congestion nasale (-1,25 contre 0,38, avec un score maximal = 3). On a constaté une amélioration progressive du score Polype nasal et de la notation TDM dans le groupe Toutes les 2 semaines par rapport au groupe Toutes les 4 semaines; la congestion nasale et les autres critères secondaires étaient similaires entre les groupes. Il s’est également avéré que le groupe Toutes les 2 semaines présentait moins d’événements liés au traitement de type sinusite et exacerbation de l’asthme.
Les deux études ont permis de démontrer une amélioration significative de l’olfaction mesurée, avec une amélioration de 11,3 points du score UPSIT (University of Pennsylvania Smell Identification Test) lors de l’étude SINUS-24 et de 9,8 points (score maximal = 40) lors de SINUS-52. On a constaté l’amélioration des critères primaires dès 4 semaines lors des deux études.
MÉPOLIZUMAB
(anticorps anti IL-5) :
Le mépolizumab, un anticorps anti-IL-5, a été homologué en novembre 2021, au Canada, pour le traitement de la RSCaPN. L’IL-5 est considérée comme une cytokine primaire dans le cadre de l’activation des éosinophiles et, en tant que telle, le traitement monoclonal ciblant l’IL-5 a été pressenti comme porteur de grands espoirs20.
En 2017, des chercheurs ont communiqué les résultats d’un essai à répartition aléatoire, en double aveugle, contrôlé par placebo, visant à évaluer l’efficacité de 750 mg de mépolizumab pour traiter la RSCaPN21. Dans le cadre de cette étude, depuis 2017, 105 patients recevaient 750 mg de mépolizumab ou de placebo en IV, toutes les 4 semaines pendant un total de 24 semaines (6 doses), en plus d’un traitement quotidien topique par corticostéroïdes. Dans le groupe mépolizumab, une proportion significativement plus importante des patients n’avait plus besoin de recourir à la chirurgie à la semaine 25 (16 [30 %] contre 5 [10 %], respectivement; P = 0,006). On a également observé une amélioration significative du score de l’EVA Polypose nasale dans le groupe mépolizumab (-4,2 contre -2,4; score maximal = 10)21.
Cette étude initiale a permis de mettre en place SYNAPSE, une étude à répartition aléatoire, en double aveugle, contrôlée par placebo, portant sur 414 patients, dont 407 ont été inclus dans l’analyse finale21. Les patients recevaient 100 mg de mépolizumab ou de placebo par voie sous-cutanée, toutes les 4 semaines pendant 52 semaines, en plus de l’aérosol nasal à la mométasone. Au cours de la période de traitement de 52 semaines, le risque de chirurgie du nez était sensiblement plus faible avec le mépolizumab par rapport au placebo (9 % contre 23 % des patients ont subi une intervention chirurgicale, respectivement). La modification du score de l’EVA Obstruction nasale était de -4,4 contre -2,5 pour le groupe placebo (score maximal = 10). L’amélioration du score endoscopique total Polype nasal s’est avérée significativement plus élevée avec le mépolizumab (-0,9 contre -0,1; score maximal = 8). Dans le groupe mépolizumab, 73 % des patients présentaient une amélioration clinique significative du score SNOT-22 depuis le départ contre 54 % dans le groupe placebo – une amélioration numérique de -29 contre -16, respectivement (score maximal = 110). Les mesures objectives de l’olfaction n’étaient pas statistiquement significatives, mais les mesures subjectives de l’olfaction se sont améliorées depuis le départ : de 2,8 dans le groupe mépolizumab contre1,4 dans le groupe placebo (sur 10).
BENRALIZUMAB (ANTICORPS ANTI-RÉCEPTEUR DE L’IL-5) :
Le benralizumab est un anticorps monoclonal qui cible la chaîne IL-5R-∝. Il réduit la numération des éosinophiles dans le sang périphérique et les muqueuses des voies aériennes, et pourrait avoir de plus grands effets éosinophiliques que le mépolizumab23. Lors de l’étude OSTRO, des patients ont été répartis aléatoirement pour recevoir 30 mg de benralizumab ou le placebo toutes les 4 semaines pour les 3 premières doses, puis toutes les 8 semaines pendant 48 semaines, avec un aérosol à la mométasone en même temps24. On a constaté une amélioration significative du score total moyen Polype nasal dans le groupe benralizumab par rapport au placebo à la semaine 40 (-0,42 contre 0,15; score maximal = 8). Le benralizumab a également entraîné une amélioration des scores Obstruction nasale (-0,71 contre -0,44; score maximal = 3) à la semaine 40. On a constaté une amélioration des scores SNOT-22 dans les deux groupes (-16 contre -11; score maximal = 110); cependant, la différence entre les groupes n’était pas statistiquement significative. Le délai écoulé avant la première intervention chirurgicale était similaire entre les groupes, et il n’y a eu aucune différence entre les groupes concernant les mesures objectives de l’olfaction.
Agents thérapeutiques émergents :
L’IL-33 et la lymphopoïétine stromale thymique (TSLP – de l’anglais « thymic stromal lymphopoietin ») sont des médiateurs de l’inflammation de type 2. La TSLP déclenche des réponses inflammatoires Th2 médiées par les cellules dendritiques, et l’IL-33 cible les cellules Th2 (c.-à-d. éosinophiles, mastocytes et cellules dendritiques) via le récepteur IL-1. Ces deux cytokines innées peuvent orienter la production de cytokines Th2, et induire et maintenir la cascade inflammatoire de type 2. Des données récemment publiées indiquent que le tézépelumab (anti-TSLP) a réduit le nombre d’exacerbations de l’asthme, la numération sanguine des éosinophiles, et les niveaux d’IL-5 et d’IL-1325. L’étokimab (anti-IL-33) a également affiché de bons résultats dans le cadre du traitement de l’asthme à éosinophiles25. Un essai clinique portant sur l’étokimab en cas de RSCaPN vient de se terminer, mais les résultats ne sont pas encore publiés26, et un essai de phase III est en cours sur le tézépelumab. Ainsi, ces nouvelles molécules pourraient servir de traitement de la RSCaPN à l’avenir.
Aucune étude à groupes parallèles, visant à comparer des anticorps monoclonaux entre eux, n’est encore terminée. Une méta-analyse récente27 visait à étudier 29 ERC destinés à évaluer 8 traitements (n = 3 461), et à comparer les résultats d’anticorps monoclonaux et de la désensibilisation à l’aspirine pour traiter la RSCaPN. Tous les agents biologiques ont obtenu de meilleurs résultats que le placebo; cependant, le dupilumab a obtenu des résultats supérieurs concernant les résultats rapportés par les patients, le score Polype, les tests olfactifs, les scores endoscopiques et radiographiques, comparé à d’autres agents biologiques et à la désensibilisation à l’aspirine (Figure 2). Il est également important de noter que, dans la majorité des essais, le groupe placebo a démontré des améliorations cliniques concernant les mesures des résultats. Cela semble donner une très bonne indication quant à l’importance et à l’efficacité d’une observance stricte du traitement médicamenteux à base de corticostéroïdes administrés par voie nasale, comme on l’a constaté avec les mesures subjectives et objectives.

Figure 2. Récapitulatif des conclusions de la méta-analyse.
QVLS, qualité de vie liée à la santé; SNOT-22, questionnaire à 22 points d’évaluation des symptômes sinonasaux (sino-nasal outcome test 22); EVA, échelle visuelle analogique; UPSIT, test d’identification des odeurs de l’Université de Pennsylvanie (University of Pennsylvania Smell Identification Test; CSO, corticostéroïdes oraux; TDM, tomodensitométrie ; LMK, Lund-Mackay
*Le risque attendu pour chaque résultat obtenu avec les soins standard est indiqué dans la ligne grise du tableau.
Les chiffres indiqués dans les cases colorées représentent les différences moyennes estimées (IC de 95 %) pour la QVLS, les symptômes, l’odorat, la taille des polypes nasaux et le résultat TDM, ainsi que les différences dans le risque absolu (IC de 95 %) pour 100 patients (avec les risques relatifs [IC de 95 %] connexes) pour le traitement de secours par CSO, la chirurgie de secours des polypes nasaux et les effets indésirables par rapport aux soins standard.
†La seule échelle présentée où plus le score est élevé, plus le résultat est meilleur. Pour toutes les autres échelles présentées,des scores plus élevés indiquent un résultat pire.
Certitude selon GRADE24,29
Certitude élevée – Il est très peu probable que des recherches supplémentaires modifient notre confiance dans l’estimation de l’effet.
Certitude modérée – Il est probable que des recherches supplémentaires aient une incidence importante sur notre confiance dans l’estimation de l’effet et qu’elles puissent modifier l’estimation.
Faible certitude – Il est très probable que des recherches supplémentaires aient une incidence importante sur notre confiance dans l’estimation de l’effet et qu’elles modifient l’estimation.
Très faible certitude – Toute estimation de l’effet est très incertaine.
Coût du traitement biologique :
Le coût du traitement par anticorps monoclonaux est significatif par rapport au traitement habituel. Le coût annuel du traitement se situe entre 20 000 $ et 33 000 $, alors que le coût annuel de la chirurgie endoscopique fonctionnelle des sinus (FESS) est estimé à 3 510 $ au Canada28. Une analyse récente, basée sur un modèle de Markov, visait à comparer le rapport coût-efficacité du traitement par FESS par rapport au dupilumab chez des patients atteints de RSCaPN. Le rapport coût-efficacité de la FESS s’est avéré meilleur que celui du dupilumab, quelle que soit la fréquence des reprises chirurgicales et quel que soit le coût annuel du dupilumab au-delà de 855 $. Il va falloir réaliser d’autres études pour isoler de potentiels phénotypes ou endotypes qui seront beaucoup plus réceptifs au dupilumab et avec un bon rapport coût-efficacité29.
Conclusion :
Le traitement par anticorps monoclonaux change réellement la vie des patients présentant une forme grave de RSCaPN. La plupart des cas de RSCaPN peuvent être pris en charge de façon efficace à l’aide de corticostéroïdes par voie nasale et d’une intervention chirurgicale complète. Le traitement biologique doit être abordé avec les patients dans le cadre d’un algorithme thérapeutique potentiel et proposé si le traitement chirurgical est contrindiqué, ou s’il a déjà été pratiqué et n’offre plus aucun espoir. L’étendue des interventions chirurgicales pratiquées en cas de RSCaPN peut être très variée. Les patients peuvent subir de multiples polypectomies sans obtenir de réponse complète ou adéquate, cela souligne donc l’importance de la TDM et de l’examen par un chirurgien expérimenté dans l’optique de déterminer quelles seront les étapes suivantes. La présence de comorbidités peut également contribuer au choix des patients adéquats, des patients atteints d’une MREA, par exemple.
Des auteurs de divers pays continuent à essayer de définir un protocole thérapeutique anti-RSCaPN clair à base d’agents biologiques30-32. Ces déclarations de consensus et directives publiées concluent universellement que les agents biologiques doivent être envisagés chez les patients présentant une maladie récalcitrante, après un traitement médical et chirurgical adéquat, et chez ceux présentant des comorbidités significatives.
Un consensus canadien sur la rhinologie a été publié; il comprend 11 déclarations destinées à guider le traitement biologique de la RSCaPN33. Dans le cadre de ces déclarations, une considération clé à prendre en compte avant l’initiation du traitement implique de savoir si une intervention adéquate des sinus a été ou non réalisée. Ce même groupe de consensus canadien sur la rhinologie note qu’au Canada les traitements biologiques indiqués pour l’asthme peuvent coûter entre 600 $ et 4 000 $ par flacon/seringue. Une évaluation économétrique récente a démontré qu’en cas de RSCaPN, le rapport coût-efficacité de la chirurgie d’emblée est meilleur qu’avec le dupilumab. Cependant, au vu des directives publiées, il est parfaitement clair que les patients qui nécessiteraient plus d’une reprise chirurgicale vont probablement en avoir besoin régulièrement et que les intervalles entre les interventions iront en diminuant au fil du temps. Ainsi, il est nécessaire de réaliser une analyse coût-utilité dans le cadre de ce scénario clinique pour répondre à la question de savoir quel traitement – biologique ou chirurgical – constitue la meilleure approche du point de vue coût-efficacité, et quelles populations spécifiques de patients en tireraient le plus grand avantage33. En outre, il faut évaluer de façon objective la réponse des patients au traitement biologique, par endoscopie endonasale ou TDM, 16 semaines après l’instauration du traitement. On peut pratiquer cette évaluation clinique par endoscopie nasale avec fibre optique ou par TDM. Il n’est pas nécessaire de réaliser une TDM chez les patients asymptomatiques dont l’amélioration des scores subjectifs est actée par le biais de questionnaires et de l’amélioration du score objectif endonasal. En général, on recommande une évaluation endoscopique, car elle est plus facile à réaliser, coûte moins cher et n’est pas associée à des radiations (bien que les radiations associées à une TDM des sinus soient minimes et équivalentes à environ 6 examens à rayons X du thorax). S’il y a une perte de réponse, la comparaison des TDM avant et après le traitement permettrait aux personnes n’ayant pas accès à l’endoscopie d’évaluer si la poursuite du traitement biologique se justifie.
En résumé : la RSCaPN est une maladie chronique complexe qui touche environ 10 % de la population. La compréhension de la physiopathologie de cette maladie continue à évoluer, l’éventail thérapeutique actuel englobant l’administration d’agents thérapeutiques et la réalisation d’interventions chirurgicales. Chez la vaste majorité des patients atteints de RSCaPN, des techniques chirurgicales sophistiquées et une bonne adhésion au traitement topique permettent d’obtenir un excellent contrôle des symptômes. Alors que les médecins s’efforcent d’obtenir des résultats optimaux pour leurs patients atteints de RSCaPN, au fur et à mesure que de nouveaux anticorps monoclonaux émergent, il sera important de s’assurer que les calculs adéquats du rapport risques-avantages sont pris en compte concernant le traitement biologique de patients ciblés atteints de RSCaPN, en plus de l’appréciation des coûts directs et indirects pour le système de santé.
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